Les arcs-en-ciel d’Orianne Castel
Orianne Castel est philosophe et peintre.
En peinture, la « forme grille » est son motif de prédilection. Elle utilise des couleurs pâles, peu contrastées, des poudres. Elle tient en équilibre des procédés picturaux qui se sont opposés au décours de l’histoire de l’art, dit-elle. Elle sait tout de ces procédés que j’ignore encore.
Et elle écrit. La lecture de son journal éclaire de mille feux violets et jaunes la sophistication de son travail plastique. Le 3 décembre, le jour du vernissage de RAINBOW, elle écrit dans ce journal :
En attendant de rentrer à mon atelier et de tester les effets de l’ajout du fixatif entre la première couche et la seconde couche, j’ai effectué une composition mêlant une grille jaune recouverte de violet sur un fond violet recouvert de jaune à une grille violette recouverte de jaune sur un fond jaune recouvert de violet. Ce n’est pas inintéressant mais il faudrait que je recommence avec un pinceau plus étroit que celui que j’ai ici de façon à vraiment incruster la première couche de poudre dans le papier. C’est à refaire plus précisément et avec un papier de bonne qualité mais j’aime beaucoup cette idée de double annulation.
Pour RAINBOW – qui se veut une célébration de toutes les diversités – elle a réalisé l’œuvre parfaite. Deux cadres de formats carrés, de petite dimension : un diptyque. Dans chacun de ces carrés, un papier sur lequel elle a dessiné des carrés. Et à l’intérieur des carrés, elle a peint des carrés blancs. Les carrés des deux cadres ne sont pas de la même dimension. La couleur de la peinture des deux parties du diptyque n’est pas identique. Celui qui regarde doit s’approcher, pour comprendre les nuances. Toute la diversité est là, dans la nuance. Certains carrés ne sont pas aussi carrés, pas aussi blancs que les autres. Mais il faut tous les célébrer. Orianne Castel a pris l’arc-en-ciel au pied de la couleur et réalisé l’œuvre la plus discrète peut-être et la plus pertinente de l’exposition.

À peine rentrée de l’exposition d’Ali Kazma au Nouveau Musée National de Monaco, où Kazma montre pour la première fois deux vidéos inspirées du travail d’Orhan Pamuk, je ne puis m’empêcher de comparer les carrés… Orhan Pamuk écrit essentiellement sur du papier quadrillé. Ali Kazma filme les carrés d’Orhan Pamuk. À travers les medias, à travers les images, au travers des créations : le carré. La grille sans fin dans laquelle s’inscrit notre diversité.
© Ali Kazma, photogrammes de House of Ink, vidéo HD, trois écrans, couleur, son, 2022